Alban Choinier, des années de passion au service de la pêche
Découvrez l’interview d’Alban Choinier, Brand & Product Coordinator chez Rapala et figure emblématique de la pêche en France. Alban Choinier est en effet un précurseur dans le monde de la pêche. Il apparaît dans de nombreuses revues, films et émissions sur la pêche en France et à l’étranger depuis les années 90. Alban a pêché dans plus de 40 pays et pense déjà à une nouvelle espèce à découvrir.
Bonjour Alban. Pour celles et ceux qui ne te connaissent pas encore, pourrais-tu brièvement te présenter et nous raconter d’où t’es venue cette passion pour la pêche ?
Bonjour l’équipe Rodmaps. Pour résumer très simplement je suis un pêcheur qui travaille dans sa passion. J’ai surement dû être génétiquement programmé pour ça car personne ne pêche dans ma famille. J’ai pourtant été attiré par l’eau, les poissons et la pêche depuis très jeune.
Aujourd’hui, la pêche est un moyen pour toi de …
C’est un moyen de vivre puisque c’est mon métier depuis 20 ans. Mais c’est surtout et avant tout un moyen de me faire plaisir, car canne en main on change de planète !
Quelles sont les techniques de pêche que tu pratiques au bord de l’eau ?
Je pratique tous types de pêche. Mais si je dois faire un classement simple par rapport au temps que je passe au bord de l’eau ce serait : pêche au leurre (mer et eau douce), pêche de la carpe, pêche à la mouche et voyage de pêche à l’étranger.
Quelle est ta pêche de prédilection ?
C’est vraiment difficile à dire car il y a du bon dans toutes les pêches. Je prends autant de plaisir à capturer un brochet, un sandre ou un bar au lancer, un marlin à la traîne, un corégone à la gambe, une truite en sèche, une carpe à la bouillette ou une carangue au popper.
Pour moi : toutes les pêches se valent. Ce n’est pas plus compliqué de sortir un thon rouge de 150kg en stand up sur 80lb qu’une truite de 50cm en rivière sur du 12/100. L’échelle est simplement différente. Et ceux qui prétendent l’inverse sont soit des snobs, soit des faux passionnés !
Aurais-tu tout de même un poisson préféré ?
Très franchement : non. J’aime beaucoup pêcher le brochet et j’y consacre une grande partie de mon temps. Mais il y a tellement d’autres poissons qui sont fabuleux !
Nos envies changent aussi au cours de la vie d’un pêcheur. Dans la mienne, j’ai consacré beaucoup de temps à pêcher la carpe, puis à la perche du Nil, puis au tarpon, au marlin, au brochet etc…
On peut avoir une envie et une passion autour d’un poisson qui dure quelques années puis on en découvre un autre et le temps n’étant pas élastique, on prend le temps du premier au profit du nouveau.
Mais au final, le dénominateur commun reste le même : tromper un poisson et prendre du plaisir.
Peux-tu nous raconter ton parcours ?
Ma grand-mère m’a offert ma première canne à pêche quand j’avais 8 ans. J’ai toujours habité pas très loin de l’eau. J’allais même amorcer mes coins à carpe pendant la récréation quand j’étais au collège ! J’ai commencé à écrire des articles dans des magazines et à faire des films de pêche quand j’étais étudiant.
Je suis ingénieur en hydrobiologie. Mes études m’ont passionné. J’ai commencé à travailler en 1998 et avec mes premiers salaires j’ai pu commencer à voyager. À cette époque, je partais un mois pêcher en Afrique dès que j’avais assez d’argent. J’ai passé entre 1999 et 2004 une saison à guider sur le fleuve Sénégal pour la perche du Nil et le poisson tigre. Une autre saison à skipper un bateau au Maroc pour le marlin blanc et j’ai aussi guidé en Guinée Bissau.
J’ai commencé à travailler dans la pêche comme directeur d’un magasin Pacific Pêche à Paris pendant 4 ans. Ensuite, je me suis installé à mon compte et distribuais des produits anglais pour la carpe. Passionné par la pêche aux USA, j’ai monté avec un ami la société Florida Fields Fishing spécialisée dans l’import de matériels américains en 2004. J’étais le premier en France à faire la promotion de la pêche du carnassier en float tube avec Outcast et des cannes casting monobrins avec St Croix. Tout le monde me prenait pour un fou mais l’évolution de la pêche a prouvé le contraire !
En parallèle, j’ai donné des cours dans une école de guides de pêche à Caulnes pendant 10 ans. J’ai travaillé pour le groupe Pure Fishing de 2014 à 2018 comme responsable de la marque Berkley en Europe. Je travaille actuellement pour le groupe Rapala/VMC où je m’occupe de la création des produits, de la carpe au carnassier. J’ai écrit des articles et tourné des films pour des médias dans de nombreux pays en Europe, aux USA et même en Indonésie. Bref, la pêche est un mode de vie.
Tu as eu l’occasion d’énormément pêcher à l’étranger, n’est-ce pas ? D’où te vient cette passion pour les voyages de pêche ?
J’ai pêché dans plus de 40 pays et plus je voyage, plus je découvre des nouveaux poissons, des nouvelles personnes, des nouveaux milieux, des nouvelles cultures et plus je m’aperçois que je ne sais rien !
J’étais abonné à La Pêche et les Poissons quand j’étais gamin et ils passaient en fin du magazine des extraits du livre ‘’des poissons si grands’’ de Pierre Closterman. Ces récits de pêche aux 4 coins du monde m’ont fait rêver . Je me suis promis que ‘’quand je serais grand’’ j’irai pêcher là où Pierre Closterman a pêché. Ce que j’ai fait.
Je collabore aussi avec le magazine Voyages de Pêche depuis 15 ans, ce qui m’a permis aussi de pêcher de nombreuses destinations. Voyager c’est aussi découvrir et apprendre et je ne m’en lasserai jamais.
Toi qui as l’occasion de voir ce qui se fait ailleurs, quel est donc ton regard sur la gestion de la pêche en France et son futur ?
Je suis plutôt pessimiste sur l’état de nos milieux en général. Notre mode de vie, les pollutions qui sont engendrées et l’utilisation de l’eau comme ressource ou énergie fait peser une grave menace sur l’ensemble des milieux aquatiques. Certaines espèces comme le silure, la carpe ou l’aspe en profitent, mais d’autres comme le brochet ou la truite souffrent.
Je suis très inquiet sur l’avenir des rivières de 1ère catégorie et des salmonidés en général. Ce sont les premiers milieux à trinquer et les plus fragiles. Je ne comprends pas non plus la présence dans des milieux dégradés comme les grands fleuves de pêcheurs professionnels au filet qui prélèvent sans entretenir et subsistent à cout de subvention.
Le constat en mer est quant à lui particulièrement alarmant… Tant que les instances politiques n’auront pas compris l’impact financier et le nombre d’emplois générés par la pêche de loisir, la situation ne changera pas.
Mais à une autre échelle, je vois beaucoup de fédération où l’ancienne génération a passé la main à des jeunes techniciens possédant des formations dans l’environnement. Ces derniers prennent des mesures intelligentes en faveur de la préservation de la ressource : entretien et protection des zones de fraie, maille inversée, diminution des quotas, hausse des tailles de capture, parcours no-kill, etc… De ce côté-là je suis optimiste, même si le changement ne se fera pas en un jour.
Des projets futurs dont tu voudrais nous parler ?
Professionnellement, je m’occupe actuellement de la création d’une gamme de cannes adaptée à l’Europe pour la fameuse marque Américaine 13 Fishing qui sera distribuée courant 2020. C’est quelque chose de passionnant que j’aime faire.
Coté pêche, j’ai une belle session carpe de prévue au printemps. J’attends avec impatience la bonne période pour le brochet dans les lacs alpins et je suis en train de monter une expédition pour l’été 2020 au nord du Brésil pour aller pêcher le piraiba, une espèce de poisson chat géant.
Une anecdote de pêche à nous raconter lors d’un de tes voyages ?
Il y en a plein ! Ce qui me fait le plus vibrer ce sont les découvertes. Il y a 12 ans, j’étais parti en voilier pour aller pêcher à St Brandon, un atoll inhabité entre Maurice et les Seychelles. Sur place, je suis tombé par hasard sur de gros bonefishs où j’étais le premier à leur poser une mouche devant le museau. C’était magique. Depuis, St Brandon est devenu une des Mecque mondiale de la traque des gros bonefishs.
J’ai fait il y a quelques années plusieurs voyages en Sulawesi pour aller traquer avec un ami sur place un poisson peu courant qui vit la journée à 600m de fond : le oilfish. On a mis du temps à les trouver et à comprendre comment les pêcher. Mais quand on a monté le premier à bord, c’était extraordinaire. Nous avons même battu ensuite le record du monde de l’espèce.
Lors d’un voyage en Papouasie Occidental, nous nous étions complètement plantés sur la pêche côtière qui était mauvaise, mais j’ai découvert par hasard un passage incroyable de marlins bleus. Pêcher le marlin depuis une grande barque en bois, c’était sport !
Lors d’une expédition au centre du Brésil, dans une réserve indienne ,nous avions trouvé une population de très gros arapaima de plus de 100kg. C’était Jurassic Park.
Le gros tarpon de plus de 110kg que j’ai pris en 2002 en Guinée Bissau sur une canne de 2.10m, un moulinet spinning et du fil de 60/100 après 3h30 de combat est aussi gravé dans ma mémoire.
Plus proche de nous, le brochet de 128 que j’ai capturé en Juin dernier est aussi un très beau souvenir.
Bref, il y a plein d’anecdotes. Mais le dénominateur commun à tous ces bons moments c’est que je les ai partagés avec des amis.
Un message à faire passer aux jeunes qui souhaiteraient découvrir le monde de la pêche aujourd’hui ?
Le plus important est avant tout de se faire plaisir. Il faut juste trouver la pêche qui correspond au caractère de chacun. Certains jeunes pêchent pour leurs réseaux sociaux et oublie la base de notre passion. La pêche n’est pas un concours de gros poisson ou de nombre, c’est avant tout une passion naturaliste. Etre au bord de l’eau est une chance.
C’est à mon avis beaucoup plus facile de découvrir la pêche actuellement que quand j’étais gamin. Il y a une bonne dizaine d’années, la connaissance se trouvait dans les livres ou au fil des rencontres et internet n’existait pas. Actuellement, un jeune qui veut se mettre à la pêche va chercher sur google une technique ou un poisson et va avoir accès à une foule d’informations sur son téléphone portable : des vidéos, des photos, des articles etc…
Le matériel de pêche est globalement moins cher et de meilleur qualité. Il est simple à se procurer et il existe en France de nombreux guides de pêche qui organisent des camps d’été pour les jeunes. L’idéal est d’avoir la chance de débuter avec une personne de sa famille ou un ami. Si ce n’est pas le cas et si le jeune a la chance d’avoir des parents compréhensifs, une excellente solution pour découvrir le monde de la pêche est de pouvoir passer une semaine pendant les vacances avec un guide de pêche et d’autres pêcheurs de son âge.
J’ai plusieurs amis guides de pêche qui organisent ce type de stage pour les jeunes. J’aurais adoré y participer quand j’étais ado. Il existe aussi de nombreux clubs qui sont un bon moyen de rencontrer d’autres pêcheurs et de progresser.
Bref, pour découvrir la pêche il faut être curieux et ne pas hésiter à échanger pour progresser.
Liens utiles pour en savoir plus sur Alban Choinier et la pêche en générale :
Apprendre à pêcher avec un guide de pêche
Quelle canne à pêche choisir en fonction du leurre employé ?